L'enfer vaut l'endroit
L'oeuvre discrète
de Michel Pierre est-elle un exutoire?
C'est ce qu'il
semble parfois tenté de nous faire croire. De ces courtes proses obsédantes
au ton unique, il émane un parfum de fleurs du mal. Je place cette poésie
parmi les plus authentiques d'aujourd'hui.
Philippe Lemaire
dans La Nouvelle revue Moderne
68 rue du Moulin d'Ascq
59493 Villeneuve d'Ascq
Une critique de Guy Ferdinande
Pourquoi l'enfer vaut-il ce "paradis" (cf. Paradis psychomatiques, titre
d'un de ses recueils) où se décrète l'universel
? Non pas parce qu'il en est la condition, la condition d'une
chose ne repose pas sur une équivalence avec la chose,
mais parce que nous sommes sur un ruban de Möbius où s'opère
le trafic du tout duel. Michel Pierre est un auteur
par-delà le bon et le mauvais côté du ruban
- le monde de M.C.Escher est le sien-, autant dire qu'il
n'est pas un auteur de tout repos. Auteur alambiqué, qui ne
transige qu'avec les grandes interrogations ( la vie, la mort,
l'identité, la vieillesse, l'inspiration, l'ignorance,
etc..), ayant visiblement un compte à rendre avec elles,
car sur le ruban de Möbius ces grandes questions ne tardent
jamais à passer à l'état
de petites réponses ( je pense à Alfred Loisy disant: Jésus
annonçait le royaume de Dieu, et c'est l'Eglise qui est
venue") Est-ce dire que tout vaut tout ? Tout ne vaut pas
tout, on ne fera jamais d'une question une réponse mais
tout vaut sa formulation. Et c'est cela que Michel Pierre, en
parfait humoriste, s'emploie à remettre tête-bêche.
Guy Ferdinande
Comme un terrier dans l'igloo...dans la dune,
joyeuse marotte infraréaliste n°82
67, rue de l'église
F-59840 Lompret
(0 33)320 08 92 45
Une critique de Pierre
Tréfois
Au seuil de cet
enfer " sui generis ", comme le précisaient les envahisseurs
de nos ancêtres les Gaulois, point n'est besoin
d'abandonner
toute espérance : Michel Pierre ne se prend pas pour
Dante et son enfer vaut l'endroit, c'est -à-dire
plus que tripette par les temps qui courent à vau-la
houle. Par contre, laissez au vestiaire esprit logique, discours
cartésien, visée réaliste, tout ce qui
guide nombre de nos contemporains ravis à travers
les " no
man's land désertiques de la raison ". Car notre
Charon des bords de Loire opère en permanence de l'autre
côté du bon sens universellement gominé,
des idées reçues avec les honneurs dus à leur
vide, du ronron des ratiocinations mathématiques.
Il serait plutôt du genre, le père Michel, à sgraffiter
le " meilleur schéma de l'absurde " sur les murs
lépreux de nos dogmes, à se profiler " témoin
des passions qui prêtent leurs mots aux muets, la douleur
aux impassibles, une flamme pour le bois mort, des ailes
de plomb aux mouches métaphysiques ". Orfèvre
du coq à l'âne, de
l'oxymoron,de la métaphore cathartique, du nonsense, de
la mélancolie aussi, Michel Pierre déconcerte,
désarçonne, dérègle
les us et courbettes ; il nous perd dans un labyrinthe dont
il brouille le plan à plaisir.
Et c'est tant mieux pour nous son " enfer " ressemblant à s'y
méprendre à un Paradis de la pensée.
Pierre Tréfois
25 décembre 2005-12-28
( Noël gris en Wallonie)
Michel Pierre est unique, c'est-à-dire qu'on ne
peut le confondre. Un titre tendance calembour, mais
celui-ci ne doit rien au hasard. Michel Pierre, quand il écrit,
ne connaît qu'un rival, qu'il traite cependant avec respect
et loyauté, ce rival, c'est tout simplement Dieu, dans le
plus simple appareil de sa représentation spirituelle, n'y
régnerait pas cette atmosphère de familiarité,
on pourrait se poser des questions sur la portée réelle
des textes de Michel Pierre, mais le Créateur, comme il
le nomme aussi, n'est là finalement que comme un sparing-partner.
Ce n'est certes pas que l'écriture qui permet de confiner
au divin, c'est aussi une façon bien spéciale de
disserter à partir d'un mot prétexte, aussi peu original
que la vie, la solitude, la douleur, le temps, l'eau, entre une
soixantaine d'autres du même acabit ou presque, et le voilà parti
: dans une prose très articulée, où la phrase
s'expose longue et subtile, faisant référence à toutes
espèces d'idées qui dans un saute-mouton diabolique
amène inexorablement à une chute impeccable, et si
l'on n'a pas toujours saisi toutes les chicanes ponctuant le déroulé du
début à la
fin, la page est bien écrite, oui la page dans sa dimension
spatiale, à laquelle on parvient quel que soit le sujet,
une page égale à quelques lignes
près. Michel Pierre a bien toujours cette manière
originale, peut-être avec le temps est-il moins rieur, moins
sarcastique, moins ironique, et au fond à force de fréquenter
Dieu plus triste sur terre.
Jacques Morin, Décharge n°129