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La nuit revenante, la nuit

La Nuit revenante, la nuit de Jean-Louis Rambour est l’un des plus beaux livres de poésie que nous ayons lus, Ilse et moi, ces dernières années. Chaque poème a une forte densité poétique. On ne peut pas les épuiser en une seule lecture, aussi profonde soit-elle. Dans le mouvement du poème, il faut lire chaque image, chaque proposition, jusqu’à atteindre le courant profond - et reprendre le cours de ce courant profond à chaque poème. La forme rectangulaire de chaque texte sur chaque page suggère la barque, ou le ruisseau, ou "les volets clos pendant trois jours sur la moisson inachevée" ; les volets comme une croix qui s’ouvre, se ferme, et s’ouvre. Voilà : c’est une poésie à conquérir, lecture après lecture. Et on s’y attache comme le lierre.

Devant cette poésie évidente, je suis pris comme d’un vertige : quel est l’auteur d’anthologies de poésie française qui va l’introduire dans l’histoire de cette poésie ? Dans cette société proliférante comme le sable d’un désert, je me sens perdu, je me sais perdu. Et quand je lis les poèmes de Jean-Louis Rambour (car ils sont parmi les plus présents) cette question devient lancinante.

Pierre Garnier


Je ne trahis pas un secret en révélant que J-L Rambour a vu son existence mise en veilleuse pendant près de deux ans à cause d’un très grave problème de santé : une péremption de la valve aortique doublée par une embolie pulmonaire. Ce qui a nécessité opération à hauts risques et longue réadaptation à la vie courante.

Le hasard, parfois ironiste de haut vol, a fait que, deux ans auparavant, Roger Wallet, aussi auteur picard et ami de Jean-Louis, a subi exactement la même opération et vécu pareille convalescence, dans les mêmes lieux. Un petit volume en fait relation : La mécanique du cœur (1). Entre fiction et témoignage clinique, Wallet y retrace les étapes de sa maladie et de sa guérison. On peut dire que, à partir d’un traumatisme équivalent et sur une toile identique, J-L Rambour ébauche un tableau inverse, une sorte de négatif pictural.

Ce qu’il révèle ou tente de cerner, ce sont les zones d’ombre, l’empire du voisinage avec cette "nuit revenante", les "années comptées et les photographies des étoiles". S’ensuit un soliloque allusif et sinueux, qui charrie souvenirs, réflexions, images vues ou virtuelles, ferveurs et amertumes, "histoires de phénix ou d’aurore" et conjure - essaie de conjurer - l’inquiétante étrangeté, sans trop d’illusions.

Nous l’accompagnons, à pas mesurés, sur une "terre si veuve", où "les somnambules s’entraînent à mourir", où l’angoisse et l’espoir se regardent dans le blanc des yeux :
"Comme pour la vierge de Lourdes dans son globe, on agite des mots pour voir tomber la neige. Et c’est tout."
Passant du "je" au "nous", le poète accorde le "rythme imprécis de la pendule intérieure à (s)on cœur" aux battements collectifs :
"On commerce on ménage on se bat car nous avons aussi, vous avec moi, les Lois de l’Humanité."
Vous avec moi nous en souvenons quand "il est minuit sur le dos de nos mains", et que notre destin frôle l’irréversible... "tant nous sommes chétifs, faibles, journaliers... "(2)

Pierre Tréfois

(1) Roger Wallet : La mécanique du cœur (Editions G&g)
(2) Ronsard